Risque cardiovasculaire et lupus érythémateux systémique

Introduction et épidémiologie

L’athérosclérose au cours du lupus constitue un sujet important en raison de son impact majeur en termes de morbi-mortalité et de pronostic.

Les dernières années sont marquées par la compréhension de nouveaux mécanismes physiopathologiques d’athérosclérose au cours des connectivites ayant débouché sur des notions thérapeutiques nouvelles. Toutefois, plusieurs interrogations restent posées notamment quant aux mécanismes exacts responsables de l’athérosclérose accélérée, au profil précis des patients les plus exposés, aux moyens les plus appropriés pour évaluer ce risque cardiovasculaire et enfin quant aux interventions thérapeutiques spécifiques potentielles pour réduire efficacement ce risque cardiovasculaire dans cette population de patients. 

Longtemps considérés commes premières causes cardiovasculaires de mortalité le LES, la péricardite, la myocardite et troubles de conduction spécifiques à ma maladie ont cédé la place progressivement aux atteintes athérothrombotique ischémiques.

Dans une cohorte canadienne, le RR d’IDM dans le LES a été évalué à 10, celui de coronaropathie à 17 et celui d’accident vasculaire cérébral (AVC) à 7,9. Une autre étude a montré un RR d’hospitalisation pour IDM de 2,2 chez les patientes lupiques entre 18 et 44 ans.

Dans le lupus, a été constatée une athérosclérose infra-clinique avec prévalence élevée de plaque carotidienne et calcifications coronariennes scannographiques. Des études cas-témoins ont retrouvé une prévalence de plaque carotidienne d’athérome plus élevée dans les groupes « LES » (Odds Ratio à 2,4) après ajustement à l’âge, au sexe, à l’origine ethnique et aux facteurs de risque cardiovasculaires classiques.

Pathogénie et physiopathologie

Une prévalence plus élevée des facteurs de risque cardiovasculaires classiques.

Les données de la littérature font état d’une prévalence de facteurs de risuqe cardiovasculaires classiques plus élevée chez les patients lupiques que dans la population générale du même âge et du même sexe.

Ainsi, a été noté une prévalence plus élevée notamment de l’hypertension artérielle au cours du LES avec un profil lipidique particulier caractérisé par une augmentation des VLDL, des LDL normaux ou élevés, un HDL bas et des anomalies du métabolisme des chylomicrons. Ce profil était associé à des anomalies qualitatives des lipoprotéines avec une forte affinité de liaison des LDL aux protéoglycannes, une augmentation de la lipoprotéine A pro-athérogène et une baisse de la paraoxonase qui joue un rôle important dans l’oxydation des LDL.

La prévalence du syndrome métabolique est également plus élevée dans le LES que dans la population générale. Des explications physiopathologiques quant à un éventuel mécanisme commun associant inflammation et athérosclérose prématurée ont été avancées pour expliquer cette fréquence augmentée.

Des concentrations significativement plus importantes d’homocystéine, facteur bien connu de dysfonctionnement endothélial, ont été par ailleurs rapportées au cours du LES.

Ces constatations plaident en faveur d’un rôle important des facteurs précités dans la genèse de l’athérome au cours du lupus. Cependant, ce rôle n’explique pas totalement ce surrisque comme l’a montré une cohorte de 296 patients lupiques suivis pendant 8,6 ans dans laquelle l’augmentation d’incidence des événements cardiovasculaires athéromateux n’était que partiellement expliquée par les facteurs de risque cardiovasculaires classiques.

Enfin, les maladies inflammatoires chroniques comme le LES sont pourvoyeuses d’handicap fonctionnel et de sédentarité parfois extrêmes, ceci créant un cercle vicieux aggravant le risuqe cardiovasculaire et notamment le risque de maladie coronarienne auxquels le manque d’activité physique s’est révélé comme étant un facteur de risque cardiovasculaires indépendant.

Une étude faite sur 242 femmes lupiques suivies de 2004 à 2008 a montré un lien étroit entre la faible activité physique et l’augmentation de l’athérosclérose infra-clinique indépendamment des autres facteurs de risque cardiovasculaires classiques.

Une prise en charge dans ce sens en optimisant l’activité physique et en réduisant la prise de poids doit être envisagée chez cette catégorie de patients.

Un rôle vraisemblable des traitements : Corticoïdes et AINS

Les corticoïdes sont connus comme étant des médicaments entraînant des effets secondaires d’ordre cardiovasculaire en rapport avec la dysfonction endothéliale, l’HTA et les désordres métaboliques lipidiques et glucidiques.

D’un autre côté, l’effet thérapeutique des corticoïdes en rapport avec leurs propriétés anti-inflammatoires et immunosuppressives font suggérer un certain effet positif réducteur d’athérosclérose par le biais du traitement de la maladie causale.

Par ailleurs, il n’est actuellement pas établi que des doses faibles de corticoïdes fréquemment utilisées dans le LES aient le même profil iatrogène cardiovasculaire que les doses élevées.

En pratique, la question du rôle pro-athérogène des corticoïdes n’est pas encore tranchée dans le cas particulier des connectivites et des rhumatismes inflammatoires chroniques. Ainsi Dvid et dcoll. ont montré une augmentation du risque de morbi-mortalité vasculaire en rapport avec les doses cumulatives des corticoïdes notamment chez les patients avec facteur rhumatoïde positif. Par contre dans le LES, un bénéfice des corticoïdes sur l’athérosclérose a été suggéré comme l’illustre le travail de Roman et coll.

A la lumière de ces données, les recommandations actuelles des sociétés savantes (EULAR, SNFMI,..) préconisent une indication soigneuse de la corticothérapie en se limitant à la dose minimale efficace.

Des facteurs physiopathologiques spécifiques 

Pendant plusieurs années, l’athérosclérose a été perçue comme étant un phénomène avant tout « mécanique » d’accumulation de lipides au niveau de la paroi vasculaire.

Récemment, il a été démontré que l’inflammation chronique est un élément central dans ce processus d’athérosclérose dans toutes ces étapes. Dans ce cadre, les monocytes, les macrophages, les lymphocytes T et les cytokines jouent un rôle important dans l’athérogénèse.

La CRP, dont la synthèse est dépendante de l’interleukine 6 5IL6) est actuellement considérée comme un marqueur de risque cardiovasculaire important et l’auto-immunité est fortement incriminée dans les mécanismes d’athérosclérose chez la population générale.

Au cours du LES, ces phénomènes inflammatoires, les perturbations observées au niveau de l’ambiance cytokinique, des molécules d’adhésion et de l’immunité humorale contribuent aux différentes étapes clés de l’athérosclérose notamment la dysfonction endothéliale et la formation et la croissance de la plaque.

Au cours du lupus, on assiste à une augmentation de la synthèse des médiateurs de l’inflammation et à une suractivation des Toll-like récepteurs qui favorisent la dysfonction andothéliale et l’afflux des macrophages et leur différenciation en cellules spumeuses. Il existe également une augmentation du LDL oxydé et une baisse du HDL-cholestérol qui cède la place au HDL pro-inflammatoire. Les anticorps antiphospholipides jouent également un rôle important à travers la réactivité croisée entre le LDL oxydé et les cardiolipines et la forte affinité de la glycoprotéine I pour le LDL oxydé.

Rôles de l’immunité adaptative et de l’immunité innée :

La dysfonction endothéliale qui est un évènement précoce et clé dans le processus d’athérigenèse est en grande partie liée à l’augmentation chronique des taux sanguins des médiateurs inflammatoires, acteurs clé de l’immunité adaptative et innée.

L’inflammation systémique des connectivites est accompagnée d’une augmentation des principaux médiateurs de l’inflammation notamment le Tumor Necrosis Factor (TNF), l’interleukine 1 (IL1), la CRP et le CD40. Ces médiateurs favorisent une étape précoce et incontournable dans le processus d’athérosclérose à savoir la dysfonction endothéliale et la surexpression des molécules d’adhésion monocytaire (ICAM et VCAM).

Ces médiateurs jouent également d’autres rôles importants et ubiquitaires dans l’athérogenèse à travers l’activation du complément, la sécrétion ebdothéliale du Monocyte Chemotactic Protein-1 (MCP-1) et de l’IL6, la captation macrophagiuqe du LDL, la stimulation de la production monocytaire du factuer tissulaire et la production des facteurs de croissance et de différenciation monocytaire en macrophages et en cellules spumeuses (M-CSF, GM-CSf et G-CSf). Dans une étude cas-témoins faite sur 109 patients lupiques et 78 témoins, des concentrations élevées en molécules d’adhésion (ICAM, VCAM) et en TNF étaient associées à une athérosclérose plus sévère.

L’interleukine 12 (IL12) et l’interféron y  jouent également un rôle important dans l’athérogenèse. L’IL-12 est abondamment présente dans les lésions athéromateuses. Elle est produite par les macrophages, les cellules musculaires lisses et les cellules endothéliales. Sa sécrétion est stimulée par le LDL oxydé. L’inhibition de l’IL12 dans les modèles animaux entraîne un ralentissement significatif du processus d’athérosclérose. L’interféron y inhibe la croissance des cellules endothéliales et des cellules musculaires lisses et inhibe la synthèse du collagène contribuant ainsi à la fragilisation de la plaque d’ahérome. Il entraîne par ailleurs une sécrétion accrue du TNF et l’IL1.

La première étape de l’immunité innée est la reconnaissance d’antigènes par des récepteurs appelés « Pattern Recognition Receptors » (PRR). Les antigènes reconnus sont alors appelés « Pathogen Associated Molecular Patterns » (PAMPs).

Les Toll-like Receptors (TLRs) représentent une variété des PRR et ouent un rôle crucial dans l’athérosclérose. La variété du récepteur TLR incriminé serait déterminante quant au risque et à la sévérité du processus d’athérogénèse…