Si le Lupus m’était conté….il était une fois…

Les belles histoires débutent toujours par « il était une fois… ». L’histoire du Lupus ne déroge pas à cette tradition ! Quand j’étais jeune interne en médecine, j’ai tout de suite été fasciné par cette maladie si bizarre au nom énigmatique. Cette fascination m’a été transmise par Maxime Seligman, père de l’immunologie clinique française quand j’ai eu la chance de travailler dans son service à l’Hôpital St Louis en 1988. Cette passion pour l’immunologie et cette fascination pour le lupus lui avaient permis grâce à sa curiosité et a sa persévérance et cette rigueur si importante dans l’art médical.

Le Lupus était déjà une maladie célèbre…sujet de recherches fétiches de nombreux laboratoires. En revanche, la maladie était inconnue du grand public, mais aussi de la plupart des médecins. Que de progrès accomplis depuis dans tant de domaines ! La connaissance de la maladie… sa prise en charge… et sa reconnaissance dans le monde médical et le grand public !

  • La compréhension du lupus s’est considérablement « sophistiquée » depuis 20 ans. Cette maladie semble toujours un peu complexe, mais aujourd’hui nous avons une image assez cohérente de ce que pourrait provoquer et entretenir un lupus. Tout est plus cohérent, mais il n’est pas (encore) possible de déterminer individuellement quels sont les mécanismes précis en cause. La conjonction de données immunologiques et génétiques originales nous donne, au gré des découvertes, de nouvelles « pièces » de ce grand puzzle qu’est le lupus. Ainsi, les « chercheurs de pièces » doivent aussi devenir des « poseurs de pièces » afin de donner une cohérence d’ensemble à tous ces progrès. Le mystère du lupus se lève doucement car nous connaissons maintenant des facteurs déclenchants (ultraviolets, toxiques, …) capables de stimuler l’immunité innée (c’est-à-dire notre immunité archaïque) pour lui faire produire l’interféron qui participe à l’amplification et l’emballement de la réponse immunitaire. il y aura encore tant de progrès que je suis persuadé que d’ici quelques année nous arriverons peut-être à prédire l’apparition de la maladie ou de ses poussées et certainement à mieux la prendre en charge. 
  • La prise en charge de la maladie a considérablement progressé ! Le diagnostic est facilité par une bonne connaissance des signes cliniques de la maladie et surtout grâce à d’excellents tests biologiques qui permettent de détecter les « célèbres » autoanticorps (anticorps antinucléaires) qui sont si caractéristiques de cette maladie. Aujourd’hui, tout laboratoire peut disposer de ces tests qui facilitent énormément le diagnostic de cette maladie à condition bien sûr de penserà les prescrire ! Ainsi, dans mes premières années d' »immunorhumatologue », je me souviens encore avoir réfléchi à de subtiles interprétations d’anticorps antinucléaires sur des couches de foie de rat préparées par Françoise Danon ! Et que de discussions enflammées toutes ces années pour l’interprétation de ces tests avec Joëlle Goetz, ma « fidèle complice » strasbourgeoise en auto-immunité! Ces progrès diagnostiques n’auraient eu aucune importance sans les formidables avancées thérapeutiques. Il y a 20 ans, le quotidien d’un « lupologue » était une subtile hésitation entre corticoïdes, Plaquénil et éventuellement un immunosuppresseur puissant (Azathioprine ou Cyclophosphamide). Néanmoins, dans le service de Maxime Seligman, dès le début des années 1990, nous avions déjà utilisé les premiers biomédicaments anti-lymphocites B qui étaient des anticorps monoclonaux thérapeutiques d’origine murine, très efficaces, mais si mal tolérés! Depuis il y a eu des progrès thérapeutiques majeurs, avec des études permettant de mieux utiliser les médicaments classiques comme le Cyclophosphamide, mais aussi de nouveaux médicaments comme l’acide mycophénolique et maintenant les premiers biomédicaments permettant de bloquer un lymphocite B ou éventuellement d’autres molécules importantes dans le lupus. Une vingtaine de molécules sont en cours d’évaluation et nous verrons dans les prochaines années celles qui pourront vraiment changer la vie de nos patients. L’espoir est grand et nous pouvons même espérer appliquer dans le lupus le concept de « médecine personnalisée ». Ainsi, l’idéal sera d’utiliser « le bon médicament, à la bonne dose, au bon moment chez le bon patient »… même si cela ne permet pas de guérir la maladie, ce sera un gage d’efficacité et de bonne tolérance.
  • Grâce au fantastique travail de tous et en premier des associations de patients, le lupus est aujourd’hui une maladie connue et reconnue. Qui aurait pu imaginer il y a 20 ans qu’il y aurait une journée mondiale du lupus ? Cette reconnaissance a une importance majeure pour les patients qui ont besoin de savoir que leur maladie est connue par le corps médical et reconnue par le grand public et les autorités de santé. Cette reconnaissance a permis de créer de l’information et des outils pédagogiques comme « Le lupus en 100 questions », et de faire participer les patients à des projets d’éducation thérapeutique tant appréciés. Merci à tous d’avoir contribué à faire « sortir le loup de l’ombre » et à faire « s’envoler le papillon en pleine lumière » ! Vous reconnaîtrez les symboles de cette maladie qui reste pour nous l’objet de tant de discussions, de projets et de travaux passionnants. J’espère, dans 20 ans, pouvoir peut-être écrire la suite de cette histoire avec l’inspiration d’Alexandre Dumas, en toute humilité, bien sûr (20 ans après)!

Jean SIBILIA

Service de Rhumatologie-CHU de Strasbourg

Centre de Référence National des Maladies Auto Immunes Systémiques Rares