Maladie auto-immune aux multiples formes cliniques, le lupus n’est pas à une particularité près. Les crises de la maladie peuvent en effet être déclenchées par les UV ou certains médicaments. Des chercheurs du Cimi-Paris font la lumière sur certains mécanismes sous-jacents. Qui n’a jamais entendu un des internes de l’acariâtre DR House suggérer « ET SI C’ETAIT UN LUPUS? » pour expliquer un cas particulièrement difficile à diagnostiquer ? Alors même que les symptômes variaient grandement d’un épisode à l’autre. C’est en effet une des particularités du lupus de présenter des formes cliniques très variées, impliquant inflammation et irritation de la peau. En cause, un dérèglement du système immunitaire censé protéger l’organisme des agents pathogènes (virus, cellules anormales…) qui s’attaque alors de façon inopportune aux cellules saines du corps. Karim Dorgham, ingénieur de recherche, et Alexis Mathian, praticien hospitalier, tous deux membres du Centre d’immunologie et des maladies infectieuses à Paris (Cimi-Paris), se sont intéressés à une autre particularité de la maladie : le déclenchement des crises par la lumière ultraviolette (UV) mais aussi par certains médicaments, notamment le propanolol, un bêta-bloquant utilisé contre l’hypertension. Quel est le lien entre ces deux activateurs de crises ? Par quels mécanismes les provoquent-ils ? « L’idée du travail de recherche est venue lorsque le lien entre les lymphocytes Th17 (LTh17) et les facteurs environnementaux a été découvert », se souvient Guy Gorochov, directeur de l’équipe du Cimi-Paris. Le rapport avec les crises de Lupus? « C’était la première fois que l’on mettait en évidence que ces LTh17 pouvaient être activés par des produits de transformations moléculaires, formés au sein du corps par exposition à la lumière. Or, les LTh17 jouent un rôle majeur dans l’inflammation et l’auto-immunité. » Et si l’association UV-médicament jouait le rôle du facteur externe dans l’induction des poussées du lupus ? Il restait alors à montrer que les LTh17 sont activés par cette combinaison . Commence ainsi une collaboration avec le service de Médecine interne 2 dirigé par Zahir AMOURA, à la Pitié-Salpêtrière. L’hypothèse de travail était que les UV transforment le propanolol en une molécule capable d’activer le récepteur aux hydrocarbures aromatiques (AhR), ainsi nommé car ces derniers, principaux polluants organiques, sont capables de s’y lier. Dans la cellule, l’AhR est en effet responsable d’une cascade de réactions moléculaires aboutissant à l’élimination des composés étrangers à l’organisme (xénobiotiques), mais il joue également un rôle complexe dans la régulation de la réponse immunitaire. « La première étape a été de broyer des comprimés de propranolol et de les exposer aux UV, puis de les mettre en contact avec les lymphocytes », décrit l’ingénieur de recherche. Ensuite, l’analyse par PCR quantitative, une technique qui permet de mesurer l’expression des gènes, a montré l’augmentation de production du cytochrome P450, reflétant l’activation de l’AhR. Pour prouver que les LTh17 étaient activés, les chercheurs ont montré que les cytokines qu’ils produisent étaient retrouvées dans la peau des patients, notamment l’interleukine-22 (IL-22), connue pour son activité pro-inflammatoire. Ainsi, les chercheurs ont démontré que l’action conjointe du propranolol et des UV déclenchait un profil d’inflammation identique à celui observé dans le lupus. De plus, le rôle établi de l’AhR et de l’IL-22 dans les mécanismes du déclenchement des crises en font des cibles thérapeutiques potentielles.
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